Marie-Agnès Latourte est responsable du Master Communication Interculturelle et Traduction (CIT) à l’Institut de Management et de Communication Interculturels. C’est aussi une ancienne élève de l’école, professeur et traductrice.
CIT & Learn : Qu’est-ce qui fait la spécificité de la formation CIT ?
La formation CIT, comme toute formation à ce niveau, évolue en permanence – par rapport à d’autres formations de traduction. Nous avons voulu introduire des modules de communication interculturelle en 4ème année pour compléter les compétences en traductologie (en langue et rédaction technique). C’est le résultat d’une étude de marché de 6 ans ; le nom originel de l’ISIT était réducteur et figé, l’école a donc changé de nom (aujourd’hui Institut Supérieur de Management et Communication Interculturels) mais elle reste toujours une école de traduction et d’interprétation, même si la formation est plus ouverte.
Nous avons fait très attention au retour des entreprises et des jeunes diplômés. Entre 30 et 50% des étudiants travaillent vraiment dans le milieu de la traduction. Nous voulions donner de véritables compétences pour travailler dans d’autres secteurs et donner une véritable dimension de gestion de projet à travers les PRA/PRE. On ne voit pas la finalité immédiate mais il y a une véritable démarche méthodologique qui est très utile par la suite dans le milieu professionnel. Le PRE (spécialité CIT) permet de s’intégrer dans l’entreprise en développant un projet avec le maître d’apprentissage ou d’autres collègues pour répondre à un besoin rendant souvent l’apprenti indispensable et débouchant parfois sur des embauches.
CIT & Learn : La préoccupation principale d’une école, en cette époque de crise de l’emploi, est probablement celle de l’insertion professionnelle. En quoi cette formation peut-elle attirer un recruteur ?
Il existe des compétences spécifiques et uniques à l’ISIT, les connaissances sont développées par les stages et les différents projets menés de front pendant la scolarité. L’Isitiste est polyvalent (il ne sait pas faire que de la traduction !), il comprend rapidement les instructions. Des étudiants se retrouvent en stage dans des environnements parfois très techniques et inconnus (Orange, Geodis, EDF) et s’adaptent rapidement. Les recruteurs apprécient le parcours professionnel des étudiants grâce aux stages et apprentissages (qui sont très importants et valorisés); beaucoup de soft skills sont aussi appréciés : le savoir-être, la curiosité, le respect d’autrui mais également l’interculturalité (savoir s’adapter à l’autre et savoir écouter).
CIT & Learn : Que fait l’école pour favoriser l’insertion professionnelle en plus de redéfinir la formation ?
Tout d’abord, l’école a mis en place une politique de parcours d’intégration professionnelle, et les étudiants sont bien sûr directement impliqués. Il y a des stages dès la première année, là où auparavant ils ne commençaient qu’en 3ème année. Les stages sont plus longs et obligatoirement à l’étranger selon les années. Nous avons essayé de développer nos relations avec l’APEC depuis 5 ans : ils viennent sensibiliser les étudiants dès la première année sur le parcours professionnel et les démarches. Il y a aussi les simulations d’entretien au cours de la 4ème et la 5ème année face à de vrais professionnels RH qui ont un regard neutre et objectif.
Ensuite, nous avons mis l’accent sur l’apprentissage, qui est tout récent pour la section MI. Il y a bien sûr toute une partie que les étudiants ne voient pas : les relations avec les entreprises, comme par exemple des petits-déjeuners organisés avec des maîtres d’apprentissages potentiels ou des entreprises provenant du réseau d’anciens. Certains apprentis viennent témoigner mais cela reste plus un rendez-vous école-entreprise. Nous avons mis en valeur l’année de césure : de plus en plus d’étudiants partent pour un an en France ou à l’étranger. Nous visitons aussi les entreprises où sont en poste les apprentis ; il est important de développer le contact humain avec l’école et voir les conditions de travail des étudiants.
On se rend vraiment compte lors de la rédaction du CV que les stages, l’apprentissage et même parfois le MTA (Mémoire de Traduction Appliquée à faire en 4eme année) jouent beaucoup : ce sont des compétences professionnelles qui incitent au recrutement.
CIT & Learn : Quel équilibre pensez-vous qu’il faille trouver, dans l’optique de favoriser l’insertion professionnelle, entre les enseignements “pratiques” et les enseignements “théoriques” ?
C’est une question intéressante mais en tant que linguiste, le terme équilibre ne me paraît pas le plus adapté. Prenons la définition du Petit Robert : “Egalité de force entre deux ou plusieurs éléments qui s’opposent ou alors état de stabilité et d’harmonie qui en résulte” …ce qui me paraît déjà plus adéquat. Nous ne cherchons pas un rapport de force ; il est vrai que la formation évolue en permanence, ce qui perturbe souvent les étudiants mais “Qui n’avance pas recule” (Mme Mériaud-Brischoux) : il vaut mieux parler de complémentarité. L’enseignement pratique et théorique se complètent. Les apprentis s’en aperçoivent très rapidement grâce au double-regard en entreprise, ce qui leur permet de comprendre plus rapidement des cours très techniques (XML, SQL).
CIT & Learn : En quoi l’ISIT est l’endroit idéal pour comprendre l’interculturalité ? Quels sont les points forts ? Auriez-vous un exemple précis pour illustrer votre propos ? Etes-vous témoin de situations d’interculturalité au moment de faire des échanges avec des universités partenaires ?
Tout d’abord, la composition du corps enseignant reflète parfaitement l’interculturalité, avec sa variété de langues, de cultures et donc d’approches pédagogiques différentes. Il y a également beaucoup d’étudiants METS et Erasmus. Tout ceci nous permet de nous rendre compte de toutes les différentes approches de la traduction ; la langue est bien le reflet d’une culture et d’une personnalité. Comme le dirait Michel Bouthot, “Apprendre une autre langue, c’est comme le commencement d’une autre vie” ; ou une autre que j’aime beaucoup : “Acquérir une autre langue, c’est acquérir un supplément d’âme”. On s’enrichit, on découvre, enfin il faut découvrir la culture au sens large.
Je suis allée à Londres pour un projet européen avec l’université de Westminster pour un Long Live Term Program (deux ans), pour le programme PICT (Promoting Intercultural Competence in Translation) avec des Italiens, des Polonais, des Anglais et des Norvégiens entre autres pour pouvoir introduire la compétence interculturelle dans les formations (ce que fait déjà l’ISIT) ; nous avons eu une discussion intéressante sur la compréhension du terme “framework”. Les Anglais le comprenaient comme un terme ouvert, plutôt des lignes directrices contrairement aux Norvégiens ou aux Polonais qui voyaient plutôt un cadre plus fermé et bien balisé (“Rahmen ” en allemand = cadre).
Frédérique De Graeve (responsable du Master Management Interculturel) :
Je peux ajouter un exemple: nous avons une ancienne étudiante travaillant chez XXX pour organiser un transfert de compétences RH vers la Roumanie; elle devait s’y rendre régulièrement pour former des gens, et ainsi faciliter le transfert, mais les Roumains (en raison du régime communiste) ne reconnaissaient pas l’étudiante en tant que porteuse de l’autorité : pour eux il n’y a qu’un chef, et celui-ci devait se déplacer en personne pour qu’ils puissent prendre en compte tous les changements et les formations à mettre en place.
Marie-Agnès Latourte : il est essentiel de comprendre les codes d’un pays lors de la conduite d’un projet à l’international pour pouvoir être efficace et le mener à bien. Plus on va loin, plus cela devient flagrant.
CIT & Learn : Dans le monde professionnel, quel atout majeur pensez-vous qu’une expertise en interculturalité apporte?
Cela apporte une meilleure connaissance des méthodes de travail pour pouvoir travailler sur des projets concrets, d’anticiper (mails, délais de réponse, gérer des négociations : les Coréens, par exemple, ne vont pas parler pendant la réunion mais attendront la fin pour pouvoir donner leur opinion et faire part de leurs remarques).
Prenons l’exemple d’une campagne de Coca-Cola dans le golfe Persique : ils ne se sont pas assez penché sur la communication du pays, ils ont choisi le désert qui semblait adapté aux pays Arabes mais ont oublié que ces derniers lisent de droite à gauche ! Le message était lu complètement à l’envers. En tant que linguiste, on se demande automatiquement comment le message va être perçu.
et le résultat….
CIT & Learn : Au fil des années, l’Isit et les caractéristiques de la formation ont évolué pour s’adapter au monde moderne, de plus en plus multiculturel et rapide. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Si on regarde quelques années en arrière, on pourrait plutôt parler de révolution que d’évolution, en particulier dans la filière CIT. Nous avons essayé de nous adapter aux demandes des entreprises et des experts en interculturalité. La demande de traducteurs diminuait (moins de services de traduction au sein des entreprises, agences cassant les prix..), il n’était pas possible de former des promotions de 100 traducteurs en sachant que seulement 10 trouveraient du travail. Maintenant, on se rend compte que la tendance s’inverse, en particulier grâce aux organisations internationales où beaucoup de traducteurs partent à la retraite. Il y a une grande campagne de recrutement en ce moment. Le cursus est aussi, ne l’oublions pas, passé de 4 à 5 ans.
De plus, nous essayons de développer des réseaux avec les entreprises (développement de l’apprentissage), mais aussi des réseaux d’écoles et d’universités (FESIC, METS, SFT, CGE, FIT, CIUTI…) ; on s’ouvre au monde extérieur en encourageant les échanges, avec comme nouveauté cette année l’ouverture du service international dirigé par Marina Burke.
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Descriptif de la formation CIT et liste des cours (PDF)
Des mots, toujours des mots encore des mots. L’ISIT n’est pas et ne sera jamais un institut de Management, c’est abuser des mots que de le prétendre. Il suffit de voir ce que font des étudiants en Institut de Management (accessoirement Management signifie Gestion or les étudiants de l’ISIT n’ont aucun cours de gestion digne de ce nom). Quant à l’Interculturalité, c’est certes un très joli mot mais qui ne veut rien dire sur un CV. Alors qu’on arrête de se gargariser avec des mots. La vérité c’est que l’on a rajouté une année à l’ISIT pour garder les étudiants plus longtemps et que l’on a rempli cette année avec une série de cours divers et variés mais sans grand intérêt sur le plan professionnel car en un an, on n’acquiert ni une formation, ni une spécialisation.
Beaucoup de « souvent » et de « parfois » dans cet interview, mais la réalité est toute autre.
On a simplement remplacé des mots qui avaient un sens et décrivaient bien une formation, par des concepts sans grand intérêt mais qui donne l’impression d’avancer. A-t-on seulement interrogé les étudiants sur ce qu’ils pensaient de ce changement ?
C’est bien pour marquer cette distinction que l’ISIT n’a pas été renommé « Institut de Management » mais « Institut de Management et de Communication interculturels » : nous recevons entre autres des cours de gestion de projet, de gestion financière et de gestion des ressources humaines qui n’ont pas pour objectif de faire de nous des managers tels qu’en forment les écoles de commerce, mais bien de nous offrir un socle de connaissances qui nous servira aussi bien en tant que traducteurs qu’en tant qu’indépendants ou que salariés.
Tout en préservant ce qui fait le cœur de sa formation, à savoir les langues et l’interculturel, l’ISIT a fait le choix d’élargir ses domaines de compétence en se fondant sur le ressenti des entreprises susceptibles de recruter ses étudiants. Si les termes de communication interculturelle et de management interculturel ne sont pas encore très répandus, ils commencent pourtant à s’imposer et à prendre tout leur sens dans les entreprises.
Je ne dis pas seulement ça pour défendre aveuglément mon école mais parce que je vois cette évolution dans la perception des gens avec qui je discute (ces 2 concepts n’évoquaient rien il y a encore 2 ou 3 ans, et résonnent maintenant plutôt favorablement aux oreilles de professionnels de métiers très variés) ; et également parce que je suis justement en apprentissage sur un projet de communication interculturelle pure : l’animation du réseau social interne d’Orange, présent dans 38 pays.
Les étudiants ne sont pas idiots : si ces deux années (car un Master, c’est 2 ans et non pas 1) ne leur paraissaient pas formatrices, ils seraient déjà partis se préparer leur avenir ailleurs !